Points de vue

Économie canadienne : Stabilité des banques, vulnérabilité des consommateurs

Nous estimons que, sur le plan de certains des problèmes et des enjeux actuels, le secteur bancaire canadien se trouve mieux protégé que celui des États-Unis et, en conséquence, les conditions du crédit au nord de la frontière se resserreront probablement moins qu’au sud.

Les taux d’intérêt élevés contribuent au ralentissement de la croissance et de l’activité dans la plupart des pays développés, particulièrement au Canada, dont l’économie semble plus sensible qu'ailleurs, notamment par rapport à l'économie des États-Unis. C’est essentiellement dû au marché immobilier canadien, qui compte des hypothèques à taux variable et de durée courte (comparativement aux hypothèques à taux fixe de 30 ans aux États-Unis). Par conséquent, les ménages canadiens, généralement très endettés, ont rapidement ressenti l’effet de la hausse des taux amorcée début 2022.

Bien que l’économie canadienne ait ralenti, et nous nous attendons à ce que la tendance se poursuive moyennant une légère récession en toute vraisemblance, la structure de son marché semble réserver un potentiel de gains. L’inflation ralentit et s’approche de la cible plus vite que dans la plupart des autres pays développés. Entre-temps, la duration plus courte du marché hypothécaire représente objectivement un avantage pour les banques canadiennes, relativement à leurs homologues américaines qui se sont retrouvées dans certains cas en posture délicate cette année, entre pertes latentes sur leurs actifs (généralement à plus long terme) et hausse du coût de financement des dépôts. Dans l’ensemble, ces tendances suggèrent que la sensibilité de l’économie canadienne à la variation des taux d’intérêt pourrait lui servir à moyen terme pour un retour plus rapide de l’inflation vers la cible, tout en permettant un atterrissage plus doux qu’aux États-Unis.

En effet, ce contexte facilitera probablement la tâche de la Banque du Canada pour maîtriser l’inflation. Les effets économiques de la politique monétaire se révélant plus clairement et plus rapidement, la banque centrale canadienne pourrait maintenir ses taux d’intérêt à des niveaux moins contraignants que ses homologues d’autres pays. Elle pourrait également amorcer une normalisation plus vite, à mesure que le risque d’inflation s’estompe, de sorte que sa politique restrictive menacera moins les marchés financiers d’une « rupture » de nature à favoriser une récession plus profonde.

Hausse des taux, ralentissement de la croissance et baisse de l'inflation

En mars 2022, la Banque du Canada (BdC) s’est lancée dans une politique monétaire de resserrement parmi les plus dynamiques jamais observée. Une bonne année plus tard, les effets se révèlent, accompagnés d’autres événements macro-économiques. La hausse des taux hypothécaires gruge les dépenses discrétionnaires, alors que s’estompent largement les tendances cycliques favorables provoquées par la réouverture d’après-pandémie (qui a initialement dopé la croissance de nombreux secteurs d’activité) et la hausse du prix de l’énergie (qui tend à bénéficier au Canada comme producteur net). En moyenne, la croissance du PIB réel canadien est passée de 3 % au premier semestre 2022 à 1 % au second semestre 2022, selon Statistique Canada.

Même si l’économie canadienne semble être partie du bon pied en 2023, comme en attestaient le marché du travail et le rebond de la croissance de la consommation, nous nous attendons à ce que les effets du resserrement monétaire continuent à peser sur l’activité, moyennant un certain décalage. Dans notre scénario de référence, les récessions dans les pays développés, dont le Canada, paraissent probables au cours des prochains trimestres. (Veuillez consulter nos Perspectives cycliques intitulées « Marchés fractures, obligations résilientes » pour connaître le détail de nos points de vue sur l’économie mondiale).

Entre-temps, nous demeurons persuadés que la situation de l’inflation paraît moins problématique au Canada, et sa banque centrale a mieux progressé dans son objectif de maîtrise de l’inflation que celles des autres pays développés. En données sur trois mois annualisées, l’IPC de base s’élevait à 3,1 % au Canada au 31 mars 2023, soit 10 points de base (pdb) au-dessus de la fourchette cible de la BdC, comparativement à 5,1 % aux États-Unis, alors que la Réserve fédérale se fixe un objectif de 2 % (source : Statistique Canada et le Bureau of Labor Statistics des États-Unis). (Pour en savoir plus sur les différences entre l’inflation au Canada et aux États-Unis, consultez notre Point de vue d’octobre 2022 sur l’économie canadienne.)

La conjonction d’une inflation en décélération et d’une croissance en ralentissement, mais qui résiste relativement bien, a permis à la BdC de signaler une pause dans son cycle de relèvement plus tôt cette année, confirmant nos anticipations d’un taux directeur final au Canada probablement 25 à 50 pdb inférieur à celui des États-Unis. Nous nous attendons désormais à ce que la banque centrale canadienne marque un statu quo alors que les effets du resserrement continuent à peser sur son économie, dans un contexte de contagion mondiale et avec un décalage. De plus, nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale et la Banque du Canada amorcent leur politique de détente au même moment, probablement vers le quatrième trimestre 2023.

Les banques comme source de stabilité

Le mois dernier, deux banques régionales américaines ont fait faillite en raison des craintes de pertes latentes sur les actifs à longue durée inscrits à leur bilan, le tout donnant lieu à une ruée aux guichets. Les autorités de réglementation américaines ont rapidement réagi afin de prévenir une crise bancaire plus grave, en garantissant les dépôts des banques en faillite et en lançant une nouvelle facilité de financement bancaire à l’initiative de la Réserve fédérale. Même si nous ne tablons pas dans notre scénario de référence sur une contagion plus large de ces faillites bancaires américaines, nous estimons qu’il existe plusieurs raisons de penser que le système bancaire canadien se trouve mieux isolé de ces risques.

Premièrement, les banques canadiennes ne subissent pas la même intensité de pertes latentes à leur bilan que les banques américaines, du fait d’un marché hypothécaire principalement consenti aux emprunteurs sur des durées courtes et à taux variable, avec comme corollaire un effet plus négatif sur le budget des propriétaires et des consommateurs canadiens (de surcroît avec un endettement des ménages plus élevés qu’aux États-Unis). Deuxièmement, une gestion plus serrée du risque de taux ainsi que la mise en œuvre plus rigoureuse des règles de Bâle sur les liquidités en particulier ont placé les banques canadiennes dans une meilleure position relative. Troisièmement, les hypothèques canadiennes prévoyant des recours pour le prêteur et les banques pouvant saisir d’autres actifs en cas de défaillance, il y a bien moins d’intérêt pour les ménages canadiens à mettre la clé sous la porte lorsque le solde de l'hypothèque dépasse la valeur marchande de la propriété grevée.

Par ailleurs, les banques canadiennes ne se livreront pas à la même lutte acharnée pour l'obtention de dépôts que de nombreuses banques américaines, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, le système bancaire canadien se trouve significativement plus concentré que celui des États-Unis, où de nombreuses banques régionales de petite taille jouent un rôle crucial pour les propriétaires de maisons et de petites entreprises. Les six plus grandes banques canadiennes représentent 94 % du total des dépôts au pays. Or, aux États-Unis, les six plus grands établissements n'engrangent que 45 % des dépôts américains. Ensuite, le secteur des fonds du marché monétaire – une solution de rechange aux dépôts bancaires pour nombre de ménages et d’entreprises – reste relativement limité au Canada, représentant un actif sous gestion (ASG) d’environ 1 % du total des dépôts bancaires canadiens, selon la Banque du Canada. Aux États-Unis, l'ASG sur le marché monétaire représente environ 32 % des dépôts bancaires, d’après Crane Data. Bénéficiant d’une concurrence moins soutenue qu’aux États-Unis, les banques canadiennes devraient moins subir la hausse du coût de leur capital, d’où un moindre potentiel de resserrement musclé des conditions de prêt.

Nous estimons en l’occurrence que la moins forte concentration d’actifs à longue durée et à faible rendement sur les bilans des banques représente un atout relatif pour les banques canadiennes, même si le resserrement des conditions financières à l’échelle mondiale risque de se propager au bout du compte à l’économie canadienne, et offrira probablement de meilleures chances de réussite d’un atterrissage en douceur de l’économie par la Banque du Canada.

Enjeux au niveau des placements

Les arguments soulignés ci-dessus suggèrent donc que, dans l’ensemble, les conditions de crédit des banques canadiennes ne se resserreront pas autant qu’aux États-Unis. La hausse des taux d’intérêt réduit malgré tout l’accessibilité à la propriété au Canada, mais son transfert plus rapide aux emprunteurs – du fait de la durée plus courte des hypothèques – facilitera vraisemblablement la tâche de maîtrise de l’inflation pour la Banque du Canada et permettra à celle-ci de marquer une pause avant les autres banques centrales des pays développés. Nous estimons que la BdC laissera son taux directeur inchangé au cours des prochains mois et qu’il atteindra un niveau final inférieur à celui de la Réserve fédérale, avant une première baisse, probablement vers le quatrième trimestre. En conséquence, la sensibilité à la variation des taux d’intérêt devrait s’avérer légèrement plus attrayante aux États-Unis qu’au Canada, en particulier dans la portion à long terme de la courbe, compte tenu de niveaux initiaux élevés. Nous nous attendons toujours à ce que les taux canadiens évoluent dans une plage de variation relativement élevée, avec de la volatilité à l’intérieur de celle-ci.

À notre avis, l’instabilité récente du secteur bancaire peut révéler des occasions à saisir dans certains instruments de crédit de qualité élevée, au Canada et à l’échelle mondiale. Nous estimons en particulier que les instruments garantis du secteur bancaire résisteront bien, notamment pour les émissions de banques d’importance systémique à l’échelle nationale et mondiale. Toutefois, nous nous attendons à ce que les écarts de crédit continuent de fluctuer largement en raison des craintes de récession.

Enfin, la baisse des taux canadiens d’environ 75 pdb sur la portion à cinq ans par rapport au sommet précédent devrait, à notre avis, permettre une légère détente des taux de refinancement hypothécaire. Simultanément, la plus forte immigration au Canada soutiendra la demande de logements. Dans l’ensemble, les prix des maisons au Canada entrent selon nous dans les premières phases de stabilisation, après une baisse d’environ 15 à 20 % depuis les sommets de début 2022.

L'auteur

Vinayak Seshasayee

Gestionnaire de Portefeuille

Allison Boxer

Économiste

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