Éclairage sur la stratégie

Le point sur la stratégie à revenu : investir en période de volatilité

La tragédie qui se déroule en Ukraine et la mise au ban financièrement de la Russie a exacerbé la volatilité. Voici quelques conclusions à l'intention des investisseurs.

À la suite de son invasion de l’Ukraine, la Russie a été mise au ban du système financier mondial et frappée de sanctions, le tout ébranlant les marchés financiers. Voici les réponses de Dan Ivascyn, gestionnaire de la stratégie à revenu de PIMCO avec Alfred Murata et Josh Anderson, aux questions d’Esteban Burbano. Ils décryptent les ajustements à apporter au marché obligataire, soulignant le point de vue de PIMCO sur l’économie et les marchés, ainsi que le positionnement actuel de ses portefeuilles. Cette entrevue s’est déroulée le 3 mars 2022.

Q : Dans quelle mesure cette tragédie en Ukraine ainsi que les sanctions économiques sans précédent infligées à la Russie modifient-elles l’analyse de PIMCO sur la croissance et l’inflation?

M. Ivascyn : Le drame de l’Ukraine a profondément aggravé un contexte déjà incertain en matière de croissance et d’inflation. En ce qui concerne les pays développés, nous révisons à la baisse nos prévisions économiques, d’environ un point de pourcentage (légèrement plus aux États-Unis) et revoyons à la hausse nos anticipations d’inflation, misant cette année sur un niveau supérieur aux prévisions établies avant le déclenchement de la guerre, en particulier pour l’Europe. Pour 2023, notre scénario de référence table sur une stabilisation des prix, moyennant toutefois de grandes incertitudes. Nous ajusterons nos perspectives économiques mondiales lors de notre forum cyclique de mars, dont nous vous communiquerons les conclusions un peu plus tard au cours du mois.

Malgré ces incertitudes, nous estimons que la plupart des marchés présentent des valorisations généralement justes, parfois élevées dans certains secteurs en comparaison des données historiques. La ruée vers la qualité sur les marchés obligataires, qui accompagne généralement une crise mondiale, a été ralentie par les anticipations de resserrement monétaire et les craintes qui en découlent pour les actifs à risque. Compte tenu de la persistance d’une inflation élevée, les banques centrales, en particulier la Réserve fédérale, se retrouveront dans l’obligation de durcir le ton, au risque d’aggraver tout risque de récession.

Nous nous concentrons sur l’atténuation des risques, la préservation du capital, une prudente diversification, une gestion de la liquidité et un ajustement minutieux du portefeuille qui n’exclut pas une exposition à certains actifs à risque dans le segment de qualité élevée.

Q : Quelles perspectives entrevoyez-vous en matière de politique monétaire et comment positionnez-vous la stratégie à revenu pour composer avec les risques d’inflation et de hausse des taux d’intérêt?

M. Ivascyn : Nous estimons que les grandes banques centrales relèveront pour la plupart leur taux directeur plusieurs fois cette année, mais à un rythme moins soutenu que prévu avant la crise ukrainienne. Nos dernières prévisions tablent sur un resserrement un peu moins franc que celui reflété par les marchés aujourd’hui. Si la conjoncture économique se détériore significativement, les banques centrales se donneront effectivement un peu plus de temps.

Nous demeurons largement défensifs en termes de positionnement sur les taux d’intérêt compte tenu de l’extrême incertitude qui prévaut sur les marchés où les valorisations n’offrent plus grand potentiel à la hausse, selon nous. Toutefois, nous avons légèrement augmenté notre exposition aux taux d’intérêt dans le portefeuille à revenu, compte tenu de leur hausse, d’une incertitude géopolitique croissante et d’un risque accru de récession.

Afin de contrer le risque d’inflation, que la guerre en Europe a exacerbé, nous conservons une exposition à la variation des taux d’intérêt en instruments indexés, notamment en bons du Trésor américain indexés à l’inflation (TIPS).

Q : Quelle est l’opinion de PIMCO sur les actifs russes ainsi que sur les marchés européens?

M. Ivascyn : D’un point de vue financier, et non moral, les investisseurs ont tout intérêt à notre avis à ne pas se précipiter. Les différents gouvernements clarifient actuellement la portée des sanctions en établissant des catégories de produits et de services. En Europe plus particulièrement, les pouvoirs publics ont pris garde à la date à partir de laquelle ils comptent s’affranchir du secteur énergétique russe, car la hausse des prix pourrait accélérer l’inflation et affaiblir la demande. Le secteur privé applique toutefois de son propre chef des sanctions, en boycottant dans les faits la Russie. Si la tendance se poursuit, voire se renforce, l’inflation des prix énergétiques et de matières premières risque d’accélérer globalement. Reflétant cette extrême incertitude à court terme, la valorisation du complexe énergétique russe s’apparente à celui de sociétés en difficultés financières, le quasi-arrêt des marchés locaux ayant précipité les cours à des niveaux extrêmement faibles.

L’exposition à la Russie de la stratégie à revenu ne s’élève qu’à environ 2 %, principalement en obligations d’État et de quasi-sociétés d’État ainsi qu’en contrats à terme sur devises. Cette exposition s’inscrivait dans un panier diversifié sur les marchés émergents, toutefois source d’une considérable volatilité à court terme. L’essentiel de la dépréciation de ces actifs est déjà constaté à ce stade, avec une amélioration possible à mesure que la portée des sanctions se précise.

Outre la Russie, la stratégie comporte une exposition très limitée à l’Europe de l’Est, environ 1 %. Nous avons, de façon générale, constaté une plus forte amplification des écarts sur les actifs à risque dans cette région, comparativement à d’autres pays développés. Les segments européens à risque de catégorie d’investissement et à rendement élevé ont été distancés par leurs homologues des États-Unis. Nous repérons de la valeur dans les catégories qui nous semblent les plus stables sur ce marché, notamment certains titres de premier rang du secteur financier. Une fois de plus, nous restons très prudents, en particulier sur les actifs d’Europe de l’Est. La situation peut rapidement dégénérer, nous privilégions donc la protection du capital.

Q : Comment est positionnée la stratégie à revenu dans ce contexte très incertain et délicat sur le plan de la liquidité?

M. Ivascyn : Dans l’ensemble, nous estimons que le portefeuille se trouve bien positionné pour la conjoncture qui prévaut. L’an dernier, nous avons significativement réduit notre exposition aux instruments de crédit afin d’améliorer la liquidité et de nous concentrer sur des secteurs qui nous paraissent en mesure de résister à un contexte économique délicat. Nous estimons qu’il faut maintenant s’activer un peu plus sur la recherche d'occasions de qualité supérieure dans les secteurs potentiellement plus stables, lesquels se sont redressés simultanément aux actifs à plus fort risque. Nous augmentons prudemment notre exposition au risque et conservons une approche équilibrée, en privilégiant la liquidité et une forte diversification compte tenu de ce contexte plus incertain. Il est trop tôt, à notre avis, pour investir massivement dans des secteurs sensibles au crédit, tels que les prêts bancaires à rendement élevé non garantis compte tenu de leur risque de contre-performance si une récession finissait par survenir.

Le cœur du portefeuille à revenu concerne toujours le crédit titrisé, avec notamment une exposition aux hypothèques résidentielles d’une certaine ancienneté. Notre volet en titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) non garantis fait toujours la part belle aux anciennes émissions qui ont bénéficié de l’appréciation de la valeur de l’immobilier sous-jacent au cours des dernières années et dont la faiblesse des ratios prêts/valeur peut contribuer à atténuer le risque de baisse des prix des maisons.

En ce qui concerne les hypothèques garanties aux États-Unis, une catégorie dont les valorisations ont quelque peu baissé, nous avons à nouveau surenchéri pour le portefeuille de la stratégie. Nous avions l’an dernier diminué notre exposition aux TACH garantis, lorsque les valorisations devenaient onéreuses, largement en raison du programme de rachat d’obligations de la Réserve fédérale (qui prend fin ce mois-ci). Compte tenu de la récente volatilité, causée à la fois par la fin des programmes de rachat de la Réserve fédérale et par la guerre en Ukraine, les hypothèques garanties nous paraissent moins onéreuses. De façon générale, les TACH garantis peuvent représenter une alternative liquide attrayante aux instruments de crédit traditionnels pour offrir un potentiel de rendement supplémentaire ainsi qu’une possibilité non négligeable d’atténuation des risques à la baisse.

Q : Au-delà des actifs liés au logement, quels secteurs du marché du crédit trouvons-nous attrayants chez PIMCO?

M. Ivascyn : Malgré un risque élevé de récession, nous estimons pertinent de commencer à augmenter tactiquement l’exposition aux actifs à risque de qualité supérieure dans les portefeuilles. Nous entrevoyons des opportunités parmi les instruments qui nous paraissent bien protégés de tout risque de défaut ou même de détérioration de note. Ces actifs ont été difficiles à trouver en , quand presque tout s’appréciait en raison d’une quête de rendement d’envergure mondiale pour placer un excédent de liquidités.

Nous dénichons davantage de valeur parmi certaines obligations de catégorie d’investissement du haut du panier et en titres à risque adossés à des actifs de premier rang, notamment dans le segment commercial.

Parmi les opportunités en instruments de crédit de sociétés, nous privilégions certains secteurs clés. Les sociétés financières, en particulier aux États-Unis, constituent un volet de base surpondéré dans le portefeuille à revenu. Nombre de banques à l’échelle mondiale présentent un niveau de capitalisation élevée sur le plan historique et prennent relativement peu de risques du fait de la réglementation entrée en vigueur après la crise financière mondiale. Cela se reflète dans l’excellente tenue des banques, même en Europe (contrairement à la période précédente). Nous privilégions les titres de premier rang dans le segment à risque, mais avons également une légère exposition aux titres de créances subordonnées, lesquels représentent à notre avis une alternative attrayante à rendement élevé.

En ce qui concerne les devises, nous conservons un positionnement relativement neutre sur le dollar américain, mais détenons un panier très diversifié d’autres devises minutieusement sélectionnées.

Dans les marchés émergents (ME), les valorisations demeurent relativement attrayantes. Effectivement, l’essentiel de notre exposition aux ME ne concerne pas l’Europe et a procuré d’intéressantes contributions cette année. Évidemment, ce segment comporte des incertitudes, mais offre une marge sur le plan des valorisations plus avantageuses que dans bien d’autres marchés développés. Nous estimons que les ME offrent une possibilité générale de diversification prudente.

Q : Que doivent penser les investisseurs de la volatilité boursière dans leur recherche de revenu à long terme pour leur portefeuille?

M. Ivascyn : Des rendements supérieurs aux taux affichés nécessitent généralement à long terme d’exploiter la volatilité, car celle-ci génère des occasions à saisir lorsque les données fondamentales sur les marchés surprennent à la hausse. Ces périodes, qui peuvent mettre les nerfs des investisseurs à rude épreuve, ont historiquement fourni une bonne occasion d’obtenir des dividendes élevés et réguliers ainsi qu’un rendement global. À titre de gestionnaire actif intervenant avec flexibilité sur un univers d’opportunités mondiales, ce contexte nous permet de dénicher des titres attrayants sur les catégories à risque après plusieurs années d’écarts serrés. Nous redoublons toutefois de prudence afin de protéger le capital et de conserver notre agilité sur ce marché à évolution rapide.

L'auteur

Daniel J. Ivascyn

Group Chief Investment Officer

Esteban Burbano

Fixed Income Strategist

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